La maison administrative du parc de la Bergère, à Bobigny (Seine-Saint-Denis), qui porte le nom de la militante algérienne d’origine juive, Danièle Djamila Amrane-Minne, a été partiellement détruite par un incendie dans la nuit de lundi à mardi. Un sinistre qui, selon les premières constatations, pourrait être d’origine criminelle. Cette attaque survient après une série d’actes de vandalisme à caractère raciste visant le bâtiment depuis plusieurs semaines, ce qui a poussé le conseil départemental à déposer plainte auprès du procureur de la République.
Le bâtiment, qui portait encore son ancien nom, a été renommé le 5 juillet dernier en hommage à Danièle Djamila Amrane-Minne, écrivaine, universitaire et ancienne combattante du Front de libération nationale algérien. Depuis ce changement, le lieu est devenu la cible d’agressions répétées. Le dernier en date est cet incendie qui a détruit une partie de la terrasse en bois et brisé les vitres de la façade, révélant des bureaux à l’intérieur. Des photos publiées par Libération montrent que les flammes ont pris à l’endroit du nom de la militante, fixé sur la façade du bâtiment, un nom qui avait déjà été souillé par de la peinture noire.
Ce centre accueille des activités associatives et culturelles, en plus d’abriter les équipes en charge de la gestion du parc. Il a été décidé de le fermer temporairement en attendant la fin de l’enquête et des travaux de réparation.
De son côté, le président du conseil départemental, Stéphane Troussel, a affirmé que ces attaques ne sont pas des actes isolés, mais qu’elles portent un message clair : « Ce sont les descendants des nervis de l’OAS. Après la haine verbale, ils passent à l’acte criminel, se dissimulant comme des lâches. » Il a rappelé que Amrane-Minne a été graciée par l’État français et a poursuivi une carrière brillante dans l’enseignement supérieur et la poésie. Il a conclu : « Ce qui se passe reflète la peur de l’extrême droite face à une mémoire historique qui contredit leur récit figé. Il est essentiel de traiter l’héritage de la guerre d’Algérie et du colonialisme avec sérieux et sérénité. Ici, en Seine-Saint-Denis, nous ne céderons pas à l’intimidation. »
L’acte de vandalisme contre le symbole de Danièle Djamila Amrane-Minne
La municipalité de Bobigny, dans le département de la Seine-Saint-Denis, avait organisé, le 5 juillet 2025, une cérémonie pour renommer le centre de services situé dans le parc de la Bergère, anciennement connu sous le nom de Maison du parc, en Maison du parc Danièle Djamila Amrane-Minne, en reconnaissance de son engagement militant et culturel. Cette initiative s’inscrivait dans une politique de valorisation de figures féminines dans l’espace public, notamment à l’occasion de la fête de l’indépendance de l’Algérie.
La façade de la Maison du parc Danièle Djamila Amrane-Minne a été vandalisée une première fois dans la nuit du 18 au 19 juillet 2025, soit moins de deux semaines après la cérémonie de renommage.
Selon les rapports de presse français, des slogans racistes ont été tagués sur le bâtiment, avec des mots comme « traîtresse » et « terroriste », ainsi que des symboles utilisés par l’extrême droite, notamment la croix celtique. Ce vandalisme s’est répété une seconde fois une semaine plus tard, avant l’incendie survenu dans la nuit du lundi au mardi, début août 2025 — un acte considéré comme une escalade grave dans le ciblage des symboles liés à la mémoire algérienne en France.
Qui était Danièle Djamila Amrane-Minne
Née en 1939 en France, Danièle Minne a grandi dans un milieu européen conservateur. Son éveil politique précoce l’a poussée à rejeter les dogmes coloniaux de l’époque. Alors qu’elle étudiait à Alger dans les années 1950, elle a rejoint le Front de libération nationale, s’engageant dans la lutte armée contre la colonisation française au sein même de la capitale. Elle a alors adopté le nom de Djamila Amrane, marquant ainsi sa rupture totale avec son identité coloniale et affirmant son appartenance à la révolution algérienne.
Arrêtée jeune, elle a été torturée par les autorités françaises mais n’a jamais trahi ses compagnons de lutte. Après l’indépendance de l’Algérie, elle a dédié sa vie à la recherche universitaire. Elle est devenue professeure spécialisée en histoire contemporaine, se concentrant sur la place des femmes dans la guerre d’indépendance algérienne — un sujet alors marginalisé. Son ouvrage Les Femmes algériennes dans la guerre fait aujourd’hui figure de référence incontournable : elle y a recueilli des témoignages de combattantes et a contribué à réhabiliter leur rôle crucial dans la lutte armée et la clandestinité.
Restée fidèle à ses engagements jusqu’à sa mort en 2017, Danièle Djamila Amrane-Minne laisse un héritage intellectuel et militant profondément marqué par les valeurs de liberté et de justice.
Source : Libération + médias français