Marc Mauco, entrepreneur français et spécialiste du développement personnel et de l’entrepreneuriat, a combiné ses expériences internationales à son lien profond avec l’Algérie pour devenir un pont culturel entre les deux pays. Marié à une Algérienne et père de trois enfants binationaux, il considère l’Algérie comme une part de son identité affective et morale, indépendamment de ses origines.
À travers ses activités professionnelles et de conseil, Mauco met en lumière les compétences de la communauté algérienne en France et s’efforce de renforcer les liens culturels et économiques entre les deux sociétés, soulignant l’importance de l’unité et de l’organisation pour faire face aux défis sociaux et à la discrimination, tout en transformant cette communauté en une force stratégique capable de contribuer au développement national
Alsahafi: Monsieur Marc Mauco, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs et partager votre parcours personnel en France ainsi que votre lien avec l’Algérie ?
M.M: Je suis Marc Mauco, je suis français et mon cœur ne s’est jamais autant ouvert qu’au contact du peuple algérien. Je suis marié à une oranaise, nos trois enfants sont binationaux, et l’Algérie fait aujourd’hui partie de mon identité profonde pas par origine, mais par amour, par loyauté, et par reconnaissance.
Mon parcours en France a été celui d’un homme qui a tout reconstruit plusieurs fois : entrepreneur, auteur, formateur, créateur de projets sur 4 continents et à chaque étape de ma vie, j’ai retrouvé la même constante : les Algériens ont été présents, dignes, travailleurs, solidaires. C’est ce lien humain, spirituel et moral qui m’a rapproché de l’Algérie jusqu’à en faire une partie de ma mission.
Alsahafi: En suivant de près la situation de la communauté algérienne en France, comment décririez-vous la situation actuelle des Algériens par rapport aux autres communautés immigrées ?
M.M: Les Algériens en France ne sont pas traités comme les autres communautés, Ils sont plus visibles, plus exposés, plus instrumentalisés politiquement. On parle d’eux plus qu’on ne leur donne la parole, on les associe à des problèmes qu’ils n’ont pas créés, et on ignore les efforts, les réussites, les sacrifices qu’ils portent depuis des générations.
C’est une communauté nombreuse mais pas organisée ; présente mais pas représentée ; essentielle mais souvent marginalisée dans le récit national. Aujourd’hui, les Algériens ne souffrent pas d’un manque de valeur mais d’un manque de reconnaissance par la méconnaissance.
Alsahafi: Selon vous, quelles sont les principales formes de discrimination et d’attaques sociales ou médiatiques auxquelles les Algériens en France sont confrontés ?
M.M: La communauté algérienne en France subit une pression constante qui s’exprime de plusieurs manières, souvent subtiles, parfois brutales. Elle se retrouve enfermée dans un récit médiatique qui la pointe du doigt dès qu’un fait divers éclate, mais qui oublie totalement son rôle réel dans la société dès qu’il s’agit de reconnaître la contribution, le travail ou l’effort.
Les algériens en France portent encore parfois l’image héritée de l’histoire coloniale, une suspicion diffuse, un regard qui cherche à déceler une contradiction entre son identité et sa place dans la République, cette perception crée une forme de violence silencieuse, celle d’être jugé avant même d’être connu, d’être catalogué avant même de pouvoir exister pleinement comme individu.
Une partie de la discrimination est donc sociale et structurelle dans le marché du travail, dans l’accès au logement, dans les institutions, dans le regard de certains médias qui parlent “des Algériens” comme d’un groupe homogène et problématique, invisibilisant les réussites, les loyautés, la dignité quotidienne.
Cette violence symbolique finit par peser sur toutes les générations, même celles nées ici, et crée une fatigue morale que beaucoup portent en silence.
Alsahafi: Dans l’une de vos interventions sur votre chaîne YouTube, vous avez appelé la communauté algérienne en France à s’unir et à créer des réseaux et associations locales pour défendre les droits et protéger les
opprimés. Quelles sont, selon vous, les étapes concrètes pour atteindre cet objectif et renforcer la solidarité au sein de la communauté ?
M.M: La communauté algérienne dispose déjà d’une force immense, mais elle souffre d’une dispersion naturelle, d’un manque de structure, d’un manque de confiance en sa propre légitimité dans l’espace public.
L’unité ne se décrète pas, elle se construit dans le temps, autour de valeurs communes et d’une direction claire. A mon avis,, pour avancer, il faut d’abord créer des espaces de rencontre où les gens puissent se parler, se reconnaître, s’organiser, des lieux physiques ou en lignes où l’on partage les expériences, où l’on fait émerger des voix nouvelles, où l’on apprend à prendre la parole avec assurance.
Ensuite, il faut encourager l’émergence d’acteurs capables de porter cette parole, non pas comme des chefs mais comme des leaders qui incarnent la dignité, la lucidité, la sérénité face aux débats qui divisent, il faut donner à la communauté des outils concrets, des réseaux professionnels, des cercles de soutien, des projets communs, des alliances locales.
L’unité se renforce quand les gens comprennent qu’ils ne sont pas seuls, quand ils savent à qui s’adresser, quand ils voient qu’un mouvement les rassemble autour d’une mission claire, se protéger mutuellement, se soutenir, exister en France en étant libres de nos choix et égaux dans nos droits.
Alsahafi: Quelle est votre évaluation du rôle de la communauté algérienne en France dans la promotion des échanges culturels entre les deux pays, et quelles initiatives considérez-vous comme réussies dans ce domaine ?
M.M: La communauté algérienne est un pont culturel naturel entre les deux pays, elle transmet la langue, la cuisine, la musique, l’histoire, la spiritualité, la mémoire familiale et pour moi, elle corrige aussi énormément de clichés simplement par sa présence, son comportement, sa réussite.
Les initiatives les plus réussies sont souvent celles qui viennent du terrain sont les associations qui organisent des événements culturels, les entrepreneurs qui importent des produits algériens, les artistes, écrivains, vidéastes qui racontent une Algérie vivante et moderne.
Mais hélas, tout cela manque d’une coordination nationale, d’une structure solide, d’une vision commune.
C’est précisément ce que je souhaite encourager avec Libres & Égaux France.
Alsahafi: Comment la communauté algérienne en France peut-elle contribuer au soutien de projets économiques ou entrepreneuriaux bénéfiques pour la société algérienne, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays ?
M.M: La communauté algérienne (je trouve que le mot diaspora ne convient pas à la communauté algérienne) possède un potentiel économique et humain exceptionnel, souvent sous-estimé, elle a accumulé des compétences, des réseaux, une connaissance des marchés, des savoir-faire qui peuvent transformer des secteurs entiers en Algérie si cette énergie est orientée dans la bonne direction.
Ce que beaucoup d’algériens de France souhaitent profondément, c’est contribuer à des projets honnêtes, concrets, utiles, qui aident réellement le pays à avancer.
La clé, c’est d’installer une dynamique de confiance, dans laquelle la communauté se sent respectée, écoutée, considérée non comme une source d’argent mais comme une force stratégique, lorsque les Algériens de France sentent qu’ils peuvent apporter quelque chose sans être freinés par la bureaucratie,
la méfiance ou les obstacles, ils deviennent naturellement des acteurs du développement, ils ne demandent qu’une chose : qu’on leur ouvre la porte et qu’on leur laisse la possibilité de contribuer dignement, parce qu’ils portent l’Algérie dans leur cœur, même lorsqu’ils n’y vivent plus.



















